COMBATS AUTOUR DE LA CÔTE 425
L. VOGT
Traduction de Madame Marchand de l’article paru le 7.02.1978 dans un journal local.
Quand on suit la départementale D 35 qui conduit de la belle église de Vieux-Thann à Cernay, on a, à sa droite, le vaste Ochsenfeld, à sa gauche, deux hauteurs qui forment les derniers contreforts de la chaîne Grand-Ballon-Molkenrain. A notre connaissance, ces deux collines n’ont pas de noms propres. Lors de la première guerre mondiale, la première fut nommée « Belgique » par les Français, la deuxième « côte 425 » par les deux belligérants.
Le front passait en travers de la Côte 425 qui fut, surtout au début du conflit, l’enjeu de combats acharnés.
<h4>NOTE DU TRADUCTEUR :</h4>
Lire le descriptif de L. VOGT en utilisant son croquis et ses indications.
Sur la carte de l’IGN au 25 000e, la côte 400 ′′est l’Enchenberg qui culmine à 425 m et la Côte 425′′ si célèbre et passée dans l’histoire sous cette appellation, culmine en réalité à 453 m sous le nom de Kraftwald.
Les restes
Depuis lors, soixante ans ont passé sur ces étendues chaotiques que l’on pourrait, de plein droit, appeler un petit Hartmannswillerkopf. Le terrain n’étant pas aussi rocheux que le HWK ou le Hartfelsen, les installations ne s’y sont pas conservées aussi bien.
Pourtant, le promeneur attentif qui s’y intéresse trouvera encore maintes choses dans le sous-bois, qui rappellent ces temps sombres.
On indiquera les plus importantes dans les lignes suivantes.
Ainsi, par exemple, on laissera la voiture à la « Maison Blanche » à l’entrée du Zurenthal et tout de suite après le restaurant on prendra le sentier qui part à droite vers Steinbach. Après 250 m, ce sentier croise le chemin qui contourne la « Côte 400 » le long de l’ancienne « Belgique ». Nous continuons tout droit par le chemin creux qui monte à flanc de coteau. A environ 200 m on trouve, à droite dans le sous-bois, à quelques pas du chemin une pyramide de pierre portant l’inscription :
A NOS MORTS – 297e 1915.
Ce monument est tout ce qui reste d’un ancien cimetière qui se trouvait à cet endroit. Peu après le monument, nous quittons le chemin de Steinbach pour emprunter celui qui part à droite et qui conduit sur le « Côte 400 ». C’est là que se trouvait le camp « Chanove » (peu de traces). Au bout de 300 m on atteint le camp Belgique que l’on reconnaît à son terrain tourmenté (restes de murets, de tranchées). Le chemin se perd, mais on continue pourtant vers l’Est un peu en contrebas.
Note du traducteur :
Nous nous sommes rendus sur le terrain et, le croquis à la main nous avons continué vers l’Est, un peu en contrebas et…… devant nous a surgi le gros dos bombé d’un ouvrage tapi dans la pente et vers lequel couraient des tranchées.
C’est à notre connaissance, la plus grosse casemate française que nous ayons découverte dans ce secteur. Des murs bardés de rails et une couverture de 2 m d’épaisseur lui conféraient une solidité à toute épreuve. Une large ouverture (50 cm sur 2. 50 m) dirigée vers la plaine, Cernay, les pentes Sud de la Côte 425 permet de penser qu’elle était équipée d’un canon pouvant balayer tout cet espace devant lui et dominer le front sur plusieurs kilomètres.
Les points de suspension dans le texte de M. VOGT nous avaient réservé une belle surprise.
Les différents camps.
Si l’on veut visiter la crête de la « Côte 425 » on retourne à la stèle du 297ème pour reprendre le chemin de Steinbach vers le Nord. A 400 m c’est la croisée des chemins à la chapelle de l’Ifiss où se trouvait le camp « Pervenche ». On tourne à droite sur le chemin de la crête. Au bout de 400 m on traverse l’ancien camp « Belgrade » (français). Au bout d’un kilomètre on reconnaît aux vestiges épars à droite et à gauche dans le sous-bois les premières positions allemandes (le lecteur consultera le croquis pour ce qui concerne les détails et la situation des vestiges). Nous nous trouvons maintenant dans les parages du point culminant : 425.
A la sortie du bois on verra encore un nid de mitrailleuses et un observatoire assez bien conservé avec vue sur Steinbach et le HWK à l’arrière plan.
Entre les deux chemins qui, à travers champs et vignes descendent à la chapelle de Birlingen sur la route de Steinbach à Cernay, on peut découvrir deux autres nids de mitrailleuses et des entrées de souterrains.
Quand on quitte Vieux-Thann près de la vieille église, on arrive très vite, à droite, sur un parking en face de la « Maison Blanche » (restaurant). Elle se trouve au débouché d’un vallon, le vallon de Züren, qui descend de la « Waldkapelle » bien connue de la plupart des randonneurs. En poursuivant sa route en direction de Cernay on a, à sa gauche, la hauteur qui culmine à 400 m (voir croquis) et sur laquelle se trouvaient les positions françaises nommées « Chanove » et « Belgique ». Environ 600 m plus loin, on arrive à la « Maison Rouge » qui se trouve également au débouché d’un petit vallon. On aperçoit alors à sa gauche la longue croupe de la côte qui culmine précisément à 425 m. Encore 500 m et nous nous trouvons à l’endroit où, à droite, s’élevaient la fabrique et la cité de Sandozwiller.
Cette entreprise (fondée au siècle dernier, et dont à la suite des bombardements il ne reste rien sinon les traces d’une vieille turbine et quelques murets perdus dans les fourrés) fut première ligne allemande (tranchées Mohratt et Wilhelm). Cette zone était souvent inondée par la Thur. Avec l’aide des vestiges encore existants on peut suivre le tracé de la ligne allemande qui filait à travers champs entre la Thur et la route de Thann à Mulhouse vers les bois de St André.
Le front se fige.
Lorsque les Français se furent retirés vers la porte de Bourgogne en direction de Belfort après la prise de Mulhouse le 13.08.14, la ligne du front non encore stabilisée s’étendait de la Suisse aux Vosges. C’est seulement fin décembre 1914 qu’après de multiples fluctuations ce front se figea. Alors commença la vraie guerre de positions.
Des combats locaux eurent lieu en de nombreux endroits. Au 1er décembre 1914, les Allemands et les Français labourèrent les pentes de la Côte 425. Les Allemands étaient bien conscients que la perte de cette colline avançant dans la plaine signifierait la perte de Cernay et de ses environs. Le 13 décembre 1914 des attaques françaises eurent lieu sur Steinbach dans le but de prendre la colline à revers. Le sommet fut conquis mais les Allemands purent se cramponner aux pentes plantées de vignes. Deux contre attaques allemandes en vue de reconquérir le sommet échouèrent dans la nuit du 13 au 14 décembre. Alors les hauteurs furent soumises à un monstrueux tir d’artillerie allemand et à la suite de cette préparation, l’infanterie donna l’assaut. Au prix de lourdes pertes, elle réussit à arracher la Côte 425 aux Français.
Des deux cotés les soldats souffrirent beaucoup et furent complètement épuisés. Une trêve s’installa donc jusqu’à Noël 1914. Les troupes utilisèrent la pause pour construire et consolider leurs positions et creuser des tranchées. On construisit des abris et des bunkers dont la trace subsiste encore aujourd’hui malgré l’assaut de la végétation pendant un demi-siècle.
Fin décembre 1914, la « Côte 425 » et le plateau de l’oratoire au Nord de Steinbach étaient donc encore solidement aux mains des Allemands. La vallée de Steinbach également. En préparation d’une grande offensive, une attaque française fut lancée le 26.12.1914 sur ces trois objectifs. Cette attaque fut immédiatement stoppée sur les deux hauteurs par les Allemands mais les Français réussirent à enlever Steinbach après de durs combats menés par le 152 R.I. Ces combats durèrent jusqu’au début de 1915. C’est seulement après ces journées que l’on put parler de la stabilisation du front, ce qui ne signifie nullement le calme.
Le 3 janvier, l’enfer se déchaîne encore une fois sur la « Côte 425 ». Les Français submergèrent le sommet et menacèrent Cernay. Les troupes allemandes (161 IR) reçurent l’ordre, pendant la nuit, de contre-attaquer et de se rendre à nouveau maîtres de la Côte 425. La contre attaque réussit.
Sur la pente dominant Steinbach, non loin du bois, dans les vergers se dresse une croix de pierre portant l’inscription :
François Boucher – Sergent au 152e RI.
François Boucher était le frère de Paul Boucher, ancien combattant du HWK, président d’honneur de l’association des amis du HWK, aujourd’hui décédé.
Bulletin N° 18 des Amis du HWK