LA PETITE FAUNE DES SOUTERRAINS MILITAIRES VOSGIENS

Après ′′Flâneries botaniques au Hartmann ′′ (voir Bulletin de Liaison des Ahwk N° 13 de nov. 82) l’article ci—après nous parle de la petite faune qui a trouvé refuge dans les galeries creusées par les soldats en 14/18.

Les galeries militaires désaffectées représentent un milieu sombre et humide où les variations de températures sont atténuées par rapport à celles de l’extérieur. Ces conditions y attirent un petit nombre d’espèces animales qui y trouvent un habitat ou un refuge pour passer l’hiver. A l’entrée de ces ouvrages, parfois même plus profondément, on rencontre divers animaux : moustiques, papillons, araignées, gastéropodes, petits vertébrés. L’examen de la biologie de quelques-uns d’entre eux permet de mieux comprendre les raisons de leur présence dans ces lieux.

Un papillon fréquent et bien connu est le Paon du jour. Ses ailes rouges portent chacune un ocelle vivement coloré caractéristique. Ce papillon se rencontre de mars à la fin de l’automne. Il hiberne à l’état adulte dans les caves, les greniers et les grottes. Sa chenille vit en petites colonies sur les orties et les
houblons, d’avril à septembre.

© Photo vertdeterre.com

Un autre papillon, la Découpure Scoliopteryx libatrix présente une forme triangulaire. Ses ailes antérieures ont un bord externe irrégulier orangé, taché par place de rouge avec deux lignes transversales blanches. Il vole en août- septembre et hiberne dans les entrées de grottes ou les caves puis ressort en mars. Sa chenille vit de mai à septembre sur les saules et les peupliers.

Il n’est pas rare de rencontrer ces araignées aux très longues pattes qui sont en fait des faucheux (animaux proches des araignées). Une véritable araignée, habituelle dans les entrées de souterrains, est Meta menardi. Dodue, de couleur brune, cette espèce demande un fort degré d’humidité et une lumière atténuée. Elle tisse une toile de 8-18 cm de rayon (jusqu’à 30 cm). La femelle mesure 15mm et le mâle 11 mm. Les femelles peuvent vivre 2 à 3 ans, elles confectionnent pour leurs progénitures en cocon blanc en forme de poire, toujours situé près de la toile.

Parmi les mollusques, une espèce de limace Limax cinereoniger gite fréquemment dans les entrées de souterrains. Elle mesure en extension 100 à 200 mm. Son corps est brun-noir avec des tâches ou des bandes latérales sombres et une crête dorsale blanchâtre ou jaune. Le dessous du pied comprend une bande centrale claire et deux bandes latérales noires. Elle vit en forêt, se cachant sous les feuilles mortes, les mousses ou l’écorce des arbres. Nocturne, elle ne se montre pendant la journée que par temps pluvieux. Cette limace se nourrit de champignons, aussi de .lichens et vit jusqu’à trois ans.

© Photo Wikipedia

On peut également rencontrer plusieurs escargots. Certains ont une coquille petite et allongée, d’autres une coquille globuleuse. Helicigona lapicida est l’un des plus reconnaissables. Sa coquille, ronde et aplatie, mesure 11 à 20 mm de diamètre et possède une forte carène médiane, une teinte brune et des flammules rougeâtres. Cet animal vit dans les murailles humides et sous l’écorce des vieux arbres et ne sort qu’après les pluies.

A l’occasion on pourra observer dans les galeries militaires quelques vertébrés: Salamandre, mulot, chauve-souris.
La salamandre tachetée est d’un noir luisant avec des tâches jaunes et mesure 15 à 18 cm. Elle vit en forêt et fréquente les endroits ombragés et humides à proximité des points d’eau où se développent ses larves. Son activité est crépusculaire et nocturne, elle chasse insectes, vers, araignées, mollusques. De jour, la salamandre se cache sous les pierres ou les racines des arbres. Elle hiberne d’octobre à mars dans le sol. Des colonies d’hibernation sont aussi régulièrement observées dans des cavités des Vosges. D’année en année un grand nombre retourne dans le même gîte hivernal.

© Photo coraregion.free.fr

Les chauves-souris chassent pendant la nuit les insectes et viennent parfois se reposer durant le jour dans les galeries. Lors des périodes froides on peut en trouver en hibernation. Il est recommandé de ne pas les toucher ni de les déranger. En effet, réveillées dans leur sommeil hivernal, elles s’envolent au dehors à la recherche d’un autre gîte. Elles épuisent alors leurs réserves de graisses et risquent de mourir de froid.

Un petit monde discret et fragile colonise ainsi les anciens ouvrages militaires. Réunis dans le même milieu pour des raisons souvent indépendantes, plusieurs espèces ont choisi cet habitat. Quelques-unes sont décrites dans ce texte, mais en ouvrant l’œil on en remarquera bien d’autres. Ces animaux nous offrent un aspect inattendu des ouvrages militaires.

G. Hommay
Correspondant du Musée Zoologique de Strasbourg

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